Le poids du chemin parcouru
Au football, la confiance vient de nombreux éléments. La
réussite actuelle, le niveau du joueur, son mental, mais aussi les choix et le discours du coach.
Chacun, au sein d’un club, doit donc parvenir à trouver un juste
équilibre entre la confiance et la remise en question. Car la première, bien
que vertueuse, peut mener dans le mur si elle devient aveugle, tandis que la
seconde, si elle est trop fréquente, génère le doute et donc la
contre-performance.
Le RCL, de retour dans l’élite, et en possession de 18
points après 10 journées, est confronté à cette problématique depuis sa défaite
dans le derby (0-4). Moins en jambe, moins inspirée, moins en maîtrise, l’équipe
de Haise vient de concéder son 2e résultat nul à domicile contre
Nantes (1-1).
Une sensation de moins bien ou une exigence accrue ?
Cette impression générale de « moins bien », si
elle n’est pas digérée par le staff pourrait influencer les comportements sur
le terrain. Conscient du risque encouru, Franck Haise renvoie toujours, à
chacune de ses interventions, aux chiffres de son équipe : en quête du
maintien, fréquemment obtenu à 40 points en fin d’exercice, le RCL en possède
déjà 18. De quoi être pleinement satisfait du chemin parcouru afin d’aborder au
mieux les obstacles à venir dans la distance restante.
Aussi le coach, tout en déplorant les manques de ses hommes,
les replace toujours dans la dynamique plus globale de son équipe. « On
a eu moins de fraîcheur. On a manqué d’énergie pour mieux contre-attaquer et maîtriser
la possession. Mais on n’a pas non plus été trop en difficulté. 18
points en 10 journées, c’est satisfaisant. Je me contente de ce point !»
Accueillir la frustration pour la faire disparaître
Haise joue ainsi parfaitement son double rôle : primo, en
relativisant la frustration de s’être fait rejoint par un penalty retiré pour
donner suite à une faute de Leca révélée par l’arbitrage vidéo. Et secundo, en
évoquant malgré tout la baisse de régime de son équipe. Ce double discours, issu
d’une prise de hauteur à chaque fois différente, permet de protéger la
confiance collective de son groupe tout en maintenant la confiance individuelle
qu’il porte en chacun de ses joueurs.
Car les statistiques de la rencontre face à Nantes, lues
froidement, pourraient instaurer l’idée chez ces derniers, que leur état de
forme pose question. Collectivement, Lens n’a cadré qu’un seul tir en 90min, n’a
eu aucune occasion en 2e mi-temps et a affiché un taux de passes
réussies en deçà de ses standards habituels. Individuellement, Ganago n’a eu
que peu la possibilité de briller, Gradit a concédé le penalty nantais et Banza
bien que combattif, décisif et au service du collectif, a peut-être manqué le
geste amenant le but du break.
Double temporalité de la confiance
Or, Haise sait que la confiance a deux temporalités :
la première porte sur la phase de construction et la seconde sur celle de
destruction. Si le premier temps est généralement long : il faut être
conscient de ses capacités et de son potentiel pour obtenir des résultats et accumuler
de la confiance ; le second temps est bien souvent immédiat ! La
confiance en soi d’un groupe ou d’un individu peut ainsi disparaître
instantanément, bouleversant l’ensemble des équilibres mentaux des joueurs
concernés.
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L’entraîneur, pour que son équipe continue d’oser des choses
nouvelles et maintienne son énergie positive qui lui permet d’échouer sans
craindre de recommencer, doit donc sans cesse repositionner les performances
dans un contexte rapporté à des attentes initiales.
Le poids du chemin parcouru
Car cette série de bons résultats obtenue pourrait jouer
finalement contre les lensois, si ces derniers se prenaient d’un enthousiasme
démesuré et se mettaient à regarder trop haut dans le classement. Dès lors, un
résultat nul concédé ou une défaite subie n’aurait plus la même résonance que s’ils
s’inscrivaient dans un contexte de maintien pour seul objectif.
On a vu poindre ce ressenti, hier dans les réactions de Badé
et Sotoca, notamment. « On reste
malgré tout sur une bonne lancée que l’on doit pouvoir maintenir si on s’impose
face à Angers » notait Loïc Badé. « C’est dommage car on avait
le match en main. Mais il faut réagir dès dimanche contre Angers et prendre les
3 points. » lançait l’attaquant lensois.
L'action adaptée plutôt que la réaction
L’emploi du mot « réagir » chez Sotoca pourrait
interpeller le coach. Car la réaction est reliée à une interprétation et à un
égo, notamment dans la culture bouddhiste. Un spécialiste nous explique le
concept : « L’on est amené à « réagir » lorsqu’on
accueille mal une situation donnée. Dès lors, la fluidité du processus actif en
nous, qui permet d’interpréter les événements et d’agir de la manière la plus
adaptée qui soit, s’en trouve modifiée. »
En clair, les bons résultats sont une drogue dont il faut
savoir (parfois) se passer pour garder le fil de sa confiance.
Crédits photos : butfootball! et 90min.com